November 27, 2009

LOLF: "Les pouvoirs publics n'ont pas accordé assez d'importance à l'accompagnement au changement"

Entretien avec Sylvie-Noëlle Thiphonet, Consultante-Formatrice LOLF

J'ai eu le plaisir de faire la connaissance de Sylvie-Noëlle il y a quelques mois par Viadeo et  nous avons rapidement trouvé matière à discussion sur nos sujets de prédilection respectifs: LOLF et conduite du changement. Il m'a donc semblé intéressant de la convier à partager avec nous son analyse, forte de sa riche expérience en la matière.





CL: Bonjour Sylvie-Noëlle, tout d'abord un petit mot de présentation
Sylvie-Noëlle Thiphonet (SNT): Issue du secteur privé, spécialiste du Contrôle de Gestion ainsi que de l’Audit Interne Opérationnel et Organisationnel, j’ai été recrutée à l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux en 2005 pour créer la fonction Contrôle de Gestion et préparer et réaliser la mise  en œuvre de la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances) à compter de 2006.
Depuis 2008, je suis consultante- formatrice, essentiellement  dans le secteur public,  et j’accompagne les cadres de ce secteur, incluant les collectivités territoriales, à la mise en œuvre de la LOLF, de sa philosophie et de ses bonnes pratiques en matière de pilotage de la gestion et de performance.


CL: Pourriez-vous nous décrire en bref ce qu'est la LOLF: Quel est son principe, qui concerne-t-elle?
SNT: Il s’agit d’une réforme structurelle qui a  introduit dans l’administration et les services déconcentrés de l’Etat des changements majeurs dans la façon de concevoir et d’exécuter le budget de l’Etat, en faisant passer sa gestion d’une logique de moyens à une logique de résultats.
Désormais, le  Parlement peut se concentrer sur des notions issues du secteur privé, telles les objectifs ou le rapport coût/ efficacité et un focus est réalisé sur le meilleur emploi des deniers publics d’une part et la performance des politiques publiques d’autre part, avec un triple objectif : socio- économique vis-à-vis du citoyen, qualité de service vis-à-vis de l’usager et efficience de la gestion vis-à-vis du contribuable.
A ce jour, les collectivités territoriales ne sont pas concernées par la LOLF mais nombreuses sont celles qui ont déjà mis en place ce dispositif et ses bonnes pratiques, permettant ainsi aux élus de mieux orienter leur action et leur politique.
L’Etat français veut aller plus loin car il n’est pas concevable, à terme, que l’évolution des dépenses des collectivités locales ne soient pas compatibles avec les normes de dépenses que s’impose l’Etat, sans pour autant remettre en cause le principe constitutionnel de libre administration des collectivités.


CL:Comment impacte-t-elle le fonctionnement d'une administration et qu'est-ce qui change, concrètement, pour les collaborateurs?
SNT: Le Contrôle de Gestion est devenu l’un des leviers majeurs de modernisation des finances et du management publics, faisant évoluer les pratiques de gestion, les organisations et leurs processus, le contrôle interne ainsi que les systèmes d’information.
Il s’agit de travailler d’une autre manière, puisqu’il y a désormais  une obligation de rendre compte de ses choix et une justification au premier Euro dépensé ; le Contrôle de Gestion anime le dispositif dans le cadre d’un Dialogue de Gestion et  apporte un éclairage nouveau et une vision globale et transversale de l’organisation.


CL: Avec quelle facilité, les collaborateurs se sont-ils approprié le changement, quelles ont été les difficultés de mise en œuvre?
SNT: Il s’agit bien en effet d’appropriation de la démarche, et par induction une appropriation du changement même ; ce changement ne s’est évidemment pas fait sans heurts, et certains  collaborateurs ont pu vivre la mise en place de cette démarche comme une  contrainte, voire une menacecar elle était souvent à l’encontre de leur culture, de leur spécificité et de leur fonctionnement et remettait en cause leurs pratiques et traditions existantes.
D’autres collaborateurs n’ont tout simplement pas vu l’intérêt de ce pilotage de la gestionn’ayant pas d’appétence pour cette nouvelle culture de gestion, voire allant même jusqu’à l’opposer quasi- systématiquement à leurs propres activités.
Mais il faut tenir compte du fait qu’une grande majorité des collaborateurs n’a pas nécessairement eu d’explications ou de concertations sur les objectifs précis de la démarche et que tous ont souvent vu leur charge de travail augmenter, avec des logiciels insuffisamment adaptés.


CL: Quelle a été la capacité des pouvoirs publics à mener et accompagner ce changement imposé par la LOLF?
SNT: Cette mise en œuvre était un véritable enjeu organisationnel, politique et managérial, d’autant qu’il faut tenir compte désormais d’un enjeu supplémentaire: la Révision Générale des Politiques Publiques, qui renforce la nécessité d’améliorer la performance de l’administration.
Mais la volonté ne suffit pas toujours, et les pouvoirs publics n’ont peut-être pas suffisamment pris en compte la mesure de l’impact humain et des changements induits , et n’ont pas accordé assez d’importance à l’accompagnement au changement.
Il a fallu que les personnes en charge de cette démarche de pilotage de la gestion fassent preuve de patience et de pédagogie tout en créant leur nouvelle place au sein de l’organisation.


CL: Quels sont, d'après votre expérience, les facteurs clefs de réussite d'une mise en œuvre de la LOLF?
SNT: Plusieurs facteurs clés de réussite me semblent prioritaires : D’une part la nécessité d’une anticipation et d’une vision globale de la démarche dans l’organisation. Le dispositif ne doit pas être seulement financier car il ne s’agit pas uniquement de remplir des chiffres dans des tableaux ou d’analyser les coûts a postériori, il est indispensable d’avoir une vision également stratégique, en matière d’objectifs, d’anticipation de la construction budgétaire et d’indicateurs de performance.
D’autre part, il est indispensable de communiquer dans la transparence, tout en prenant en compte les aspects culturels des institutions concernées ; il s’agit de conduire cette démarche comme un projet, que doivent s’approprier tous les agents publics opérationnels, qui  leur est également utile pour leur propre activité.

Merci Sylvie-Noëlle de nous avoir apporté cet éclairage!

Vous pouvez rentrer en contact avec Sylvie-Noëlle Thiphonet directement par mail ou par son profil Viadeo   .

Lecteurs, avez-vous vécu une mise en place de la LOLF? Votre témoignage nous intéresse!



                          La LOLF et la performance vues par les shadoks

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