September 25, 2009

Changer les Comportements - 2: Compétences

Quelles sont les conditions à mettre en oeuvre pour faciliter le changement de comportements? Second volet de notre série présentant les 4 conditions majeures qu'un dirigeant/manager doit mettre en oeuvre pour encourager ses équipes à changer de comportements. Encourager, car en définitive c'est à chacun de prendre ses responsabilités. Après le premier volet, susciter la compréhension,


Condition 2: Développer les compétences



On associe souvent gestion du changement avec communication et formation. Des 4 conditions au changement de comportement, la partie compétences est en général celle à laquelle les porteurs du changement pensent le plus facilement. Malheureusement, trop souvent, on se contente de formations superficielles du type actions de sensibilisation, dont le risque est de décevoir les collaborateurs et de ne pas leur donner suffisamment confiance dans leur capacité à mettre en oeuvre ce qui leur est demandé. Trois points à respecter:


  • Comprendre quels seront précisément les besoins en apport de compétences pour la mise en oeuvre du changement. Bien effectuer cette analyse augmente ses chances de succès et, ce n'est pas négligeable, donne un signal encourageant et rassurant aux collaborateurs: "nous savons que vous n'avez pas aujourd'hui tous les moyens de changer de comportements, nous voulons comprendre quelles compétences vous manquent et faire en sorte de vous les apporter".
  • Utiliser les ressources internes: bien entendu, conduire une action efficace de formation nécessite dans la plupart des cas l'appel à des prestataires, mais il est aussi essentiel de s'appuyer sur les compétences existantes en interne. Prenons l'exemple de responsables commerciaux à qui l'on demanderait de passer d'une logique de vente de produits à la vente de solutions. Identifier en interne les commerciaux qui montrent déjà les qualités nécessaires dans un processus de vente consultative et les impliquer, à juste mesure, dans la formation des autres, permettra une meilleure appropriation du changement de ces derniers et de rendre le contenu de la formation plus pertinent.
  • Espacer chaque module/partie de la formation par un temps permettant à chacun de commencer à mettre en oeuvre de nouvelles actions et peu à peu ainsi en mesurer les apports ou si cela n'a pas marché de pouvoir partager ces problèmes et y remédier avec l'appui du groupe et des formateurs.
Apporter les compétences, c'est donner une partie essentielle des moyens de mise en oeuvre du changement.


Prochain épisode la semaine prochaine: Condition 3 - Exemplarité

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September 24, 2009

Les Acteurs du Changement: Sabine, Chef de Projet Pôle Emploi

Version courte de l'entretien publié en 2 parties les 18/06 et 07/09

"Lorsqu'un paquebot coule, normalement on saute à la mer, non?". C'est précisément en ces termes, que Sabine, chef de projet au sein de la direction service clients partenariats de Pole Emploi, nous avait exprimé ses inquiétudes au sujet de la fusion Assedic-ANPE, dont les difficultés apparaissent désormais dans la presse. L'occasion était toute choisie pour lui demander de nous livrer son témoignage et son analyse de professionnelle du changement sur cet énorme chantier humain, organisationnel et culturel.

Christophe Lastennet (CL): Sabine, avant d’aborder les difficultés actuelles de Pôle Emploi, peux-tu nous rappeler en quoi consiste cette fusion?

Sabine : Avant de répondre à cette question il me parait utile de savoir de quelles entreprises nous parlons. D’un coté nous avons un établissement privé paritaire, de l’autre nous avons un établissement sous statut public spécifique.

L’ASSEDIC est une Assurance chômage dont les salariés sont de droit privé, et dont les missions sont d'affilier les employeurs, de recouvrer les contributions, d'assurer l’inscription administrative les demandeurs d'emploi pour le compte de l'ANPE, de verser les prestations du régime d'Assurance chômage, du régime de solidarité et les aides à l'emploi au titre du régime d'Assurance chômage et des dispositifs confiés par l'État.

L'Agence Nationale Pour l'Emploi est un établissement public ayant pour mission d'intervenir sur le marché du travail en assistant d'une part les personnes à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel pour favoriser leur reclassement ou leur promotion professionnelle et, d'autre part, les employeurs pour l'embauche et le reclassement de leurs salariés.

L’objectif de regrouper en une même entreprise ANPE et l’ASSEDIC est multiple :

- réduire le temps de traitement des dossiers entre les deux institutions afin d’aider plus rapidement les demandeurs d’emploi dans leurs recherches

- mettre plus rapidement à disposition les compétences disponibles aux employeurs en recherche et du coup améliorer le positionnement de Pole Emploi auprès des employeurs (la part de marché est incroyablement faible)

- S’aligner sur ce qui se fait au niveau européen en matière de gestion des demandeurs d’emploi : Allemagne, Royaume Uni, Espagne….regroupant dans un même service l’indemnisation, le contrôle et l’aide à la recherche pour les demandeurs d’emploi.

CL : On parle aujourd’hui dans la presse de grosses difficultés de mise en œuvre, de lacunes dans le service aux demandeurs d’emploi et de frustration grandissante en interne. Toi qui connaît bien la maison ANPE pour y avoir exercé différentes responsabilités opérationnelles et fonctionnelles, quelle est ta vision quotidienne de ce chantier ?

S : Plusieurs chantiers sont menés en parallèle :

- le premier a été, et est toujours, le rapprochement des services téléphoniques : le succès n’est pour l’instant pas complètement au rendez-vous

- le chantier le plus visible et le plus évident pour le public est celui de la mise en place des sites mixtes : il s’agit de regrouper en une offre de service commune les anciennes agences ANPE et les sites ASSEDIC traitant l’indemnisation.

- Le chantier définition et partage de la stratégie de Pole emploi et de l’offre de service afférente n’est pas encore terminée sur tout le territoire.

- Le chantier ressources humaines est également mené en parallèle : la fusion des équipes se fait par palier car la consultation des instances syndicales nécessite des délais et fait souvent l’objet de blocage. Tous les sites mixtes par exemple n’ont pas encore leur manager en titre et continuent à avoir deux hiérarchies locales,

- Le chantier technique sur l’harmonisation des systèmes informatiques commence à peine.

Je dirais que globalement nous gérons en même temps les injonctions politiques de mise en œuvre rapide nécessitant l’affichage, pour le public, d’une production de service fusionné et la construction réelle de la fusion : en d’autres termes il faut réfléchir en marchant et en négociant avec les syndicats, dans une structure mouvante, le tout sous la pression politique. Vaste challenge pour Christian Charpy !

CL : La complexité de ce contexte que tu as évoquée, suffit-elle à expliquer toutes les difficultés?

S : l’injonction politique ne favorise pas l’adhésion, c’est le premier constat que l’on peut faire en matière de gestion du changement. Le changement a été imposé et non accompagné. La matière nécessaire existait sous la force de rapports gouvernementaux, mais elle n’a pas été utilisée pour expliquer la nécessité du changement au personnel de pole emploi.

Du côté de l’ex-ASSEDIC les syndicats ont pris la main dès le début et le rapport de force s’est immédiatement enclenché. Une communication forte sur le sens de ce changement a bien été initiée par Christian Charpy mais elle a , à mon sens, été insuffisamment relayée et accompagnée sur le territoire par l’ensemble du management.

Des groupes de travail et de réflexion par sujet et par projet ont été formés avec des personnes jugées clés dans l’organisation, des propositions ont été faites, ces groupes concernaient principalement des encadrants à tous niveaux mais peu ou pas de conseillers. Il y a donc eu peu d’implication de la base dans le changement. Mais était-ce possible avec une population aussi importante et dispersée sur le territoire sachant que l’encadrement de proximité était en fort questionnement sur son devenir (les processus de nominations sont encore en cours à certains endroits) ?

Pour autant on constate que les projets avancent, toutefois pas à la vitesse souhaitée.

CL : Parlons justement de la communication, dont tu as commencé à évoquer les bonnes intentions mais aussi les carences : comment la direction a-t-elle tenté de vendre le changement? Quels principaux messages essaye-t-on, sans grand succès apparemment, de faire passer, et par quels moyens?

S: Après l’annonce de la fusion par le président de la république, les deux dirigeants, côté ASSEDIC et côté ANPE, ont informé l’ensemble de la ligne managériale. Dès ce moment la communication s’est grippée. En effet, le plan de mise en œuvre, déjà préparé au moins dans ses grandes lignes, n’a pas été livré en transparence. En effet, l’Assedic étant un organisme paritaire, trop divulguer aurait probablement conduit à ne pas faire la fusion. Toutefois cela a créé au sein du personnel un climat de méfiance peu favorable à la fusion.

Cette première étape de communication étant passée, les directeurs régionaux ont été nommés par région selon un ratio approximatif de 1 poste pour 2,5 personnes. Pendant toute la deuxième partie de l’année 2008 nous avons donc vu cohabiter 3 systèmes par région et parfois 4 lorsqu’une région Anpe comprenait 2 régions Assedics.

Des groupes de travail ont été mis en place afin de faire participer les différents niveaux de management aux décisions pratiques d’organisation. Cette fois le premier niveau de management a été inclus mais dans des proportions faibles. Les conseillers Anpe et les agents Assedics eux n’étaient pas représentés. Leur seule possibilité d’expression était donc la voie syndicale ce qui a considérablement contribué à la prise de pouvoir par les syndicats. Tous les freins légaux concernant la consultation des instances représentatives du personnel sont clairement utilisées pour freiner le processus.

Les informations devraient être distribuées par voie hiérarchique mais le nombre de niveaux d’encadrement étant quasi multiplié par deux les informations mettent beaucoup plus de temps à parvenir aux intéressés. Les syndicats n’ont pas ce genre de problème pour faire parvenir leur analyse des décisions prises. Or depuis janvier l’instance provisoire n’existe plus, les groupes de travail se réduisent à la préparation des sites mixtes, les personnels ont donc l’impression d’être dépossédés de la possibilité de participer aux changements en cours.

CL : Tu nous a parlé en première partie de la raison principale de la fusion: un saut qualitatif pour les demandeurs d’emploi. Le salarié Pôle Emploi, malgré toutes les difficultés mentionnées, a-t-il lui une idée des avantages qu’il pourrait personnellement tirer du changement? Quels pourraient être ces avantages?

S: Encore une fois, il faut distinguer le salarié de droit public issu de l’ex-ANPE du salarié de droit privé issu de l’ex-ASSEDIC.

En ce qui concerne le salarié de droit public : à l’issue des négociations qui risquent de durer encore jusqu’à fin 2010, le bilan devrait être positif : un alignement des salaires sur la même base que les ex-ASSEDIC. Par ailleurs, un groupe de cadres « à potentiel » avait été identifié au sein de l’ANPE et espérait trouver sa place au sein de la nouvelle structure. Hors le nombre de cadres à reclasser était tel qu’il a fallu créer des postes parfois de l’ordre de la poésie pure pour tous les placer et laisser à leur poste actuel la quasi totalité de ces potentiels identifiés, faute de place.L’ensemble du personnel et une partie de l’encadrement coté ex-ANPE se trouvent donc perplexes par rapport à cette fusion et n’en identifient pas le bénéfice pour eux.

En ce qui concerne le salarié de droit privé, à savoir le salarié ex-ASSEDIC : clairement ce salarié n’a rien à gagner à la fusion, il doit s’adapter à une nouvelle culture, apprendre un nouveau métier, sans obtenir une augmentation salariale, au contraire, les augmentations risquent de devenir plus difficiles à obtenir dans une organisation aussi nombreuse comportant des compétences aussi diversifiées. Certains y voient la possibilité d’un développement de leurs compétences et une ouverture pour leur carrière mais cela ne concerne qu’une minorité de personnes.

CL : Difficile donc de mener le changement s’il n’est ni clair ni valorisant pour ses acteurs, hormis une compensation financière pour une partie d’entre eux, qui est, on le sait, coûteux mais pas toujours efficace. Je te propose un petit exercice que tu connais sans doute : sur la courbe du changement ci-dessous, où placerais-tu les salariés de Pôle Emploi (en différenciant si nécessaire des groupes de ton choix, par exemple ex-Assedic/ex-ANPE) ?



S:

GROUPE 1 (les ex-ASSEDIC) se situent globalement entre la phase déni et la phase colère ce qui est très gênant pour la production. Ils n’ont aucun attachement identifié à l’ex-ASSEDIC en tant qu’entreprise, mais ils perçoivent et refusent le côté « plus de travail sans compensation salariale!

GROUPE 2 (les ex-ANPE) : se situent globalement entre la phase négociation et la phase dépression, en d’autres termes ils négocient en étant déprimés car ils craignent de perdre leur motivation pour ce métier (l’attachement à l’ex-ANPE est très fort, le salaire n’est pas leur principale motivation)!

CL : Pour résumer, nous avons donc des salariés qui n’adhèrent pas au changement, n’en voient pas les bénéfices, ne se sentent pas impliqués, manquent pour l’instant de vision de l’organigramme définitif, n’acquièrent pas suffisamment rapidement les compétences demandées, manquent d’informations de la hiérarchie, doivent faire face à une surcharge de travail et doivent pour certains changer de culture: un cocktail explosif de résistance au changement, qui a tout le temps de faire des dégâts avec les lenteurs du processus de mise en œuvre. Selon toi, y-a-t-il des choses que les responsables et acteurs du changement doivent faire différemment pour amener le bateau à bon port ? Si oui lesquelles ?

S: Nous avons besoin de premiers éléments de réussite pour donner l’impulsion : la mise en place réelle de 20 à 30% de sites mixtes fonctionnant vraiment par région serait un signe encourageant donné au réseau. A partir de là les directions pourraient commencer à communiquer à leurs troupes de façon positive et avancer. C’est la stratégie adoptée en ce moment : la mise en place de sites mixtes coûte que coûte ; le premier but est un affichage politique, mais le bénéfice serait réel en matière de gestion du changement : prouver que cela peut marcher. Le risque d’échec est toutefois réel, avec des portefeuilles de conseillers à plus de 200 Demandeurs d’emploi, ce que personne ne peut gérer. Hormis l’assouplissement du suivi mensuel personnalisé annoncé par Christian CHARPY, la condition du succès est de remettre à plat en même temps toutes les organisations par région afin de faciliter le processus : ce point ne peut s’envisager que dans le cadre d’un passage en force puisque les organisations syndicales sont freinantes sur tout.

La première difficulté est d’identifier un groupe moteur de personnes qui ont envie d’avancer et sont moteurs pour le changement. Cette identification est en route actuellement. La seconde difficulté est de ne pas perdre en route la masse des indécis (forte communication syndicale) or pour l’instant on constate une forte communication et un début d’appui concret aux managers, mais pas de communication forte vers l’ensemble du personnel, la direction semble continuer à subir la communication et la relation avec les syndicats et ne prends pas le leadership dans la communication, ce qui serait pourtant une base essentielle.

Par ailleurs, rétablir la crédibilité du processus de fusion passera également par le rééquilibrage de l’activité entre la gestion du client demandeur d’emploi qui représente actuellement 90% de l’activité et la gestion du client entreprise, activité réduite à sa plus simple expression. Or, quel est le premier service à rendre par un conseiller lorsqu’il reçoit un demandeur d’emploi ? Lui proposer des offres d’emploi puisque, rappelons le, les activités de Pole emploi sont l’indemnisation et le placement…surtout le placement pour diminuer le volume des indemnisations.

Donc résumons-nous :

- une première série de sites mixtes par région fonctionnant réellement

- une reprise en main de la communication par le management au niveau de chaque région

- une mise à plat des organisations par décision unilatérale de la direction Pole emploi suite à l’allègement du suivi mensuel des demandeurs d’emploi afin que l’allègement génère une meilleure efficacité

- un rééquilibrage de l’activité entre la gestion du demandeur d’emploi et la recherche d’offres d’emploi

(aucune notion de chronologie dans cette liste)

CL: espérons que les décideurs prennent connaissance de ces préconisations! Un grand merci à toi Sabine pour avoir pris le temps de répondre, si pleinement et pertinemment, à mes questions.

* Pour raisons de confidentialités, Sabine est un nom d'emprunt. Toute coincidence avec une personne réelle serait erronée.

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September 17, 2009

Changer les Comportements - 1: Compréhension

Quelles sont les conditions à mettre en oeuvre pour faciliter le changement de comportements? Je vous propose ici le premier volet d'une série présentant les 4 conditions majeures qu'un dirigeant/manager doit mettre en oeuvre pour encourager ses équipes à changer de comportements. Encourager, car en définitive c'est à chacun de prendre ses responsabilités. Si l'incitation financière est souvent le premier réflexe, cette solution est loin d'être toujours efficace et suffisante. Elle est par contre souvent la plus coûteuse!


Condition 1: susciter la compréhension


En environnement professionnel comme dans un contexte privé, si l'on me demande d'adopter un nouveau comportement, je dois d'abord comprendre le sens et l'intérêt de ce changement, pour moi personnellement et pour mon environnement. En quoi le changement que l'on me demande est-il pertinent pour moi? En quoi va-t-il m'aider ainsi que mon équipe, mon entreprise, à atteindre les objectifs fixés?


Autant de questions auxquelles les porteurs et agents du changement doivent répondre. Il s'agit donc de bien:
  1. identifier et expliciter la raison et le contenu du changement pour chaque groupe affecté. Il faut faire cet effort de segmentation, car ce qui est motivant pour soi (en particulier pour un actionnaire ou dirigeant) ne l'est pas forcément pour les autres.
  2. communiquer ces éléments : attention, communiquer n'est pas se contenter d'un mot dans la newsletter trimestrielle. Communiquer est expliquer et faire en sorte d'instaurer un dialogue. A l'heure de l'arrivée dans les entreprises des outils du web 2.0, il est devenu plus facile de mettre en place ce dialogue, dont l'issue permettra de rendre les raisons et les contenus du changement encore plus pertinents pour chacun. Surtout les collaborateurs auront déjà commencé à s'approprier le changement.
Prenons l'exemple d'une démarche qualité produits: un sujet transversal qui peut impacter toute la chaine de valeur et pour lequel les comportements, par exemple des opérateurs, sera déterminant dans le succès de la démarche. Expliquer la raison qui amène le dirigeant à lancer cette initiative (ex montée en gamme) est nécessaire mais insuffisant pour susciter l'adhésion.
  • D'abord déterminer la pertinence et le contenu pour chaque fonction: production (ex valoriser le travail des opérateurs) comme pour le marketing (ex: améliorer l'image des produits) ou encore la finance (ex: améliorer les marges).
  • Puis communiquer avec ces différents groupes pour entendre leur point de vue. En fonction des messages, affiner et communiquer les bénéfices identifiées toujours dans un esprit de dialogue.


Prochain épisode la semaine prochaine - condition 2: Compétences

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September 14, 2009

Capacité de Changement: qu'est-ce qui rend le changement plus ou moins facile à mettre en oeuvre?



Avec un taux de réussite du changement dans les entreprises ne dépassant pas les 30%, on pourrait dire que le changement facile n'existe pas. L'hypothèse est certainement utile pour éviter de sous-estimer les efforts de gestion du changement requis. Certains changements se révèlent toutefois être plus difficiles à mettre en oeuvre que d'autres. Cela peut-être dû à leur nature, leur profondeur, leur contexte, la façon dont ils sont gérés et le niveau de préparation des acteurs.





A partir du moment où la vision du changement est claire, plusieurs questions se posent pour le(s) porteur(s) du projet: Vais-je réussir la mise en oeuvre? Quels problèmes vais-je rencontrer et comment vais-je les résoudre? Y-aura-t-il de la résistance? Sur quoi ou qui vais-je pouvoir m'appuyer dans ma démarche? Pour commencer à visualiser clairement ce qui attend le porteur du changement, il existe 4 paramètres à analyser:
  1. F: Le "fit" Stratégique de la vision du changement. En d'autres termes, le changement sera-t-il compatible avec la stratégie globale de l'entreprise? si la réponse est clairement oui, le porteur du changement aura plus de chances de compter sur l'appui de sa hierarchie et/ou de ses pairs et ainsi de pouvoir écarter les obstacles au changement. Si au contraire la réponse est non, la pérennité du changement sera en grand danger dés le premier jour de sa mise en oeuvre.
  2. A: L'Attractivité du changement pour l'ensemble des parties prenantes. La vision d'un avenir meilleur que le présent est un facteur de motivation important au changement. Quid des plans sociaux et autres changements à priori négatifs? Tout d'abord, il faut bien prendre en compte le point de vue de l'ensemble des parties prenantes, y compris dirigeants et actionnaires. Ensuite, et c'est l'intérêt de mesurer ce facteur, les porteurs du changement peuvent agir sur son attractivité. Cela commence par exemple par être clair avec les acteurs concernés et identifier ensuite les bénéfices potentiels du changement à mettre en valeur pour les différents groupes d'acteur.
  3. IH: Impact Humain. Quelles seront les conséquences humaines du changement et comment faudra-t-il y répondre? Je pense ici aux compétences, aux comportements aux nouvelles habitudes, bref tout ce qui peut vouloir dire que des personnes seront affectées. Un impact humain majeur, comme dans une démarche de changement culturel, signifie une mise en oeuvre plus difficile que par exemple lors de l'installation d'un logiciel nécessitant simplement un faible apport de compétences.
  4. IO: Impact Organisationnel. Ou dans quelle mesures, les processus, systèmes (de gestion et d'information), la structure, devront être modifiées? De nouveaux mécanismes formels prennent du temps à être installés et à bien fonctionner. Ils représentent ainsi un facteur clef pour mettre en oeuvre un changement de comportements. Tou comme l'impact humain, plus l'impact organisationnel est important, plus le changement sera difficile à mettre en oeuvre.
Ces 4 paramètres sont les ingrédients permettant d'analyser sa capacité de changement, par définition les chances de succès. La recette peut se présenter sous la formule suivante, qui permet de quantifier sa capacité de changement:







Capacité de Changement= S x A / (IH + IO)


Quelques explications:
  • Plus le "Fit" Stratégique et l'attractivité du changement sont importants, plus les chances de succès sont grandes.
  • A contrario, un changement totallement incompatible avec la stratégie (FS=0) ou inattractifs pour l'ensemble des acteurs (A=0) n'a aucune chance de réussir
  • Moins le changement impactera le personnel et l'organisation, plus facile sera sa mise en oeuvre
  • Les changements aux impact humains et organisationnels majeurs doivent être suffisamment attractifs et compatibles avec la stratégie de l'entreprise pour être mise en oeuvre avec succès.
Déterminer sa capacité de changement, c'est prendre connaissance des forces en présence avant le lancement de la manoeuvre. Cela peut aussi aider le meneur du changement à identifier la profondeur optimale du changement à mettre en oeuvre.


Comment pratiquement analyser sa capacité de changement? En tant que meneur de changement, faire une première évaluation qualitative de ces 4 facteurs et en discuter avec d'autres collaborateurs concernés poura apporter une première base de réflexion matière à prendre quelquers dispostions. Une façon plus complète et fiable de mener cette analyse est d'utiliser un outil qui:
- analyse chaque facteur par une série de questions destinées aux différentes parties prenantes
- consolider et quantifer chaque facteur
- determiner l' indice de capacité de changement en résultant et le comparer avec une moyenne


Faire cet exercice aide le meneur du changement à préparer le voyage. La préparation, ne l'oublions pas, détermine souvent le succès.


Pour plus d'informations sur la capacité de changement, merci de me contacter

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September 7, 2009

Difficultés de Pôle Emploi (2): "Le changement a été imposé et non accompagné"

Alors que Christian Charpy tente de convaincre les Français de l'amélioration de la situation à Pôle Emploi, nous poursuivons notre entretien en profondeur avec Sabine*, chef de projet au sein de la nouvelle organisation, avec la volonté d'apporter un éclairage de gestionnaires du changement sur la mise en oeuvre de la fusion. Après une première partie axée sur le constat des difficultés, voici la seconde partie. Le résumé de l'ensemble de l'entretien est disponible ici.

Partie 2: Causes et Remèdes

CL : La complexité du contexte que tu as évoquée précédemment, suffit-elle à expliquer toutes les difficultés de Pôle Emploi?

S : l’injonction politique ne favorise pas l’adhésion, c’est le premier constat que l’on peut faire en matière de gestion du changement. Le changement a été imposé et non accompagné. La matière nécessaire existait sous la force de rapports gouvernementaux, mais elle n’a pas été utilisée pour expliquer la nécessité du changement au personnel de pole emploi. Manque de temps ? Certainement, mais aussi, du moins du côté de l’ex-ANPE, une habitude du fonctionnement par injonction. Or il y a une différence entre être aux ordres du gouvernement lorsqu’il s’agit de la mise en place d’une nouvelle mesure de l’Etat et être aux ordres lorsqu’il s’agit du devenir de son propre emploi.

Du côté de l’ex-ASSEDIC les syndicats ont pris la main dès le début et le rapport de force s’est immédiatement enclenché. Une communication forte sur le sens de ce changement a bien été initiée par Christian Charpy mais elle a , à mon sens, été insuffisamment relayée et accompagnée sur le territoire par l’ensemble du management. L’adhésion au changement, ou du moins la compréhension à minima, de la nécessité de changer n’ayant pas été obtenue, la suite est difficile.

Des groupes de travail et de réflexion par sujet et par projet ont été formés avec des personnes jugées clés dans l’organisation, des propositions ont été faites, ces groupes concernaient principalement des encadrants à tous niveaux mais peu ou pas de conseillers. Il y a donc eu peu d’implication de la base dans le changement. Mais était-ce possible avec une population aussi importante et dispersée sur le territoire sachant que l’encadrement de proximité était en fort questionnement sur son devenir (les processus de nominations sont encore en cours à certains endroits) ?

Pour autant on constate que les projets avancent, toutefois pas à la vitesse souhaitée vu le manque d’implication de l’ensemble des personnes concernées, la lenteur de nomination des décisionnaires et la lourdeur d’une hiérarchie pléthorique. C’est principalement ce qui explique notre lenteur actuelle.

CL : Parlons justement de la communication, dont tu as commencé à évoquer les bonnes intentions mais aussi les carences : comment la direction a-t-elle tenté de vendre le changement? Quels principaux messages essaye-t-on, sans grand succès apparemment, de faire passer, et par quels moyens?

S: Nous travaillons pour l’Etat il y a donc eu avant tout une communication par l’Etat, en d’autres termes nous avons appris par le président de la république, en même temps que tous les français et les autres, que l’Etat organisait la fusion de l’ASSEDIC avec l’ANPE. Ce n’était pas une surprise dans la mesure ou les différents rapports dont j’ai parlé précédemment nous avait indiqué que l’Etat réfléchissait à cette question.

Les deux dirigeants, côté ASSEDIC et côté ANPE, ont ensuite informé directement soit en réunion et séminaires pour les plus hauts niveaux soit par le biais de conférences téléphoniques pour les autres, l’ensemble de la ligne managériale. Toutes les questions ont pu être posées, même si toutes les réponses ne pouvaient être apportées à ce stade pour des raisons évidentes.

Dès ce moment la communication s’est grippée. En effet il était évident qu’un plan de mise en œuvre, au moins dans ses grandes lignes, était déjà préparé mais ce programme n’a pas été livré en transparence, il est apparu au fur et à mesure du temps. Il était impossible de livrer certaines informations d’entrée dans la mesure ou, s’agissant du côté Assedic d’un organisme paritaire, trop divulguer aurait probablement conduit à ne pas faire la fusion. Toutefois cette non divulgation a créé au sein du personnel un climat de méfiance peu favorable à la fusion.

Cette méfiance était alimentée par deux autres éléments :

- d’une part le premier niveau managérial, à savoir ce qu’on pourrait qualifier de responsables d’équipes de part et d’autre, n’avait pas eu accès à l’information délivrée par les dirigeants et se retournaient donc vers les syndicats comme principale source d’information.

- D’autre part, les syndicats très puissants du côté Assedics et reconnus comme relais d’information rapide du côté Anpe ont été les premiers, et souvent les seuls, à livrer leur analyse au personnel.

Cette première étape de communication étant passée, les directeurs régionaux ont été nommés par région selon un ratio approximatif de 1 poste pour 2,5 personnes. Pendant toute la deuxième partie de l’année 2008 nous avons donc vu cohabiter 3 systèmes par région et parfois 4 lorsqu’une région Anpe comprenait 2 régions Assedics : les structures hiérarchiques par région et par structure, plus l’instance provisoire dirigée par le futur nouveau directeur régional.

Des groupes de travail ont été mis en place afin de faire participer les différents niveaux de management aux décisions pratiques d’organisation. Cette fois le premier niveau de management a été inclus mais dans des proportions faibles par rapport au groupe de personnes concernées. Les conseillers Anpe et les agents Assedics n’étaient pas représentés. Leur seule possibilité d’expression était donc la voie syndicale ce qui a considérablement contribué à la prise de pouvoir par les syndicats à laquelle on assiste depuis le début de l’année. Tous les freins légaux concernant la consultation des instances représentatives du personnel sont clairement utilisées pour freiner le processus de mise en place des sites mixtes. Les syndicats souhaitent évidemment associer cette mise en place à la négociation sur la nouvelle convention collective s’appliquant à Pole Emploi.

Par ailleurs la mise en place d’un intranet commun et d’outils de travail communs est particulièrement lente. L’intranet commun, donc source d’information officielle, ne verra réellement le jour qu’à la rentrée de septembre alors que la fusion est faite depuis décembre dernier ! Les informations devraient être distribuées par voie hiérarchique mais le nombre de niveaux d’encadrement étant quasi multiplié par deux les informations mettent beaucoup plus de temps à parvenir aux intéressés. Les syndicats n’ont pas ce genre de problème pour faire parvenir leur analyse des décisions prises. Or depuis janvier l’instance provisoire n’existe plus, les groupes de travail se réduisent à la préparation des sites mixtes, les personnels ont donc l’impression d’être dépossédés de la possibilité de participer aux changements en cours.

CL : Tu nous a parlé en première partie de la raison principale de la fusion: un saut qualitatif pour les demandeurs d’emploi. Le salarié Pôle Emploi, malgré toutes les difficultés mentionnées, a-t-il lui une idée des avantages qu’il pourrait personnellement tirer du changement? Quels pourraient être ces avantages?

S: Encore une fois, il faut distinguer le salarié de droit public issu de l’ex-ANPE du salarié de droit privé issu de l’ex-ASSEDIC.

En ce qui concerne le salarié de droit public : à l’issue des négociations qui risquent de durer encore jusqu’à fin 2010, le bilan devrait être positif : soit un alignement des salaires sur la même base que les ex-ASSEDIC (la différence moyenne de salaire à type de poste équivalent correspond à un différentiel net d’environ 400€/500€ mois, plus un treizième mois et l’équivalent d’un quatorzième mois). Toutefois une peur diffuse existe au sein des salariés ex-ANPE au sujet de leur sécurité de l’emploi. En effet le statut actuel, bien que n’étant pas un statut de fonctionnaire de l’Etat, leur donnait l’illusion d’une certaine sécurité : de fait, il fallait commettre des fautes de l’ordre du droit pénal pour qu’une sanction soit envisagée et la non compétence professionnelle ou le manque de productivité ne faisait pas l’objet de mesures de licenciement. Toutefois il est à noter que, dans le statut, le licenciement était prévu au même titre que dans toute société privée et rien, si ce n’est la culture d’entreprise, n’empêchait théoriquement ce genre de procédure d’être utilisée.

Par ailleurs, un groupe de cadres « à potentiel » avait été identifié au sein de l’ANPE et espérait trouver sa place qu sein de la nouvelle structure. Hors le nombre de cadres à reclasser était tel qu’il a fallu créer des postes parfois de l’ordre de la poésie pure pour tous les placer et laisser à leur poste actuel la quasi totalité de ces potentiels identifiés, faute de place. Ce constat est valable pour les cadres et pour les potentiels identifiés à tous les niveaux de l’organisation. L’ensemble du personnel et une partie de l’encadrement coté ex-ANPE se trouvent donc perplexes par rapport à cette fusion et n’en identifient pas le bénéfice pour eux.

En ce qui concerne le salarié de droit privé, à savoir le salarié ex-ASSEDIC : clairement ce salarié n’a rien à gagner à la fusion, il doit s’adapter à une nouvelle culture, apprendre un nouveau métier, sans obtenir une augmentation salariale, au contraire, les augmentations risquent de devenir plus difficiles à obtenir dans une organisation aussi nombreuse comportant des compétences aussi diversifiées. Certains y voient la possibilité d’un développement de leurs compétences et une ouverture pour leur carrière mais cela ne concerne qu’une minorité de personnes.

CL : Difficile donc de mener le changement s’il n’est ni clair ni valorisant pour ses acteurs, hormis une compensation financière pour une partie d’entre eux, qui est, on le sait, coûteux mais pas toujours efficace. Je te propose un petit exercice que tu connais sans doute : sur la courbe du changement ci-dessous, où placerais-tu les salariés de Pôle Emploi (en différenciant si nécessaire des groupes de ton choix, par exemple ex-Assedic/ex-ANPE) ?


S:

GROUPE 1 (les ex-ASSEDIC) se situent globalement entre la phase déni et la phase colère ce qui est très gênant pour la production. Ils n’ont aucun attachement identifié à l’ex-ASSEDIC en tant qu’entreprise, mais ils perçoivent et refusent le côté « plus de travail sans compensation salariale!

GROUPE 2 (les ex-ANPE) : se situent globalement entre la phase négociation et la phase dépression, en d’autres termes ils négocient en étant déprimés car ils craignent de perdre leur motivation pour ce métier (l’attachement à l’ex-ANPE est très fort, le salaire n’est pas leur principale motivation)!

CL : Pour résumer, nous avons donc des salariés qui n’adhèrent pas au changement, n’en voient pas les bénéfices, ne se sentent pas impliqués, manquent pour l’instant de vision de l’organigramme définitif, n’acquièrent pas suffisamment rapidement les compétences demandées, manquent d’informations de la hiérarchie, doivent faire face à une surcharge de travail et doivent pour certains changer de culture: un cocktail explosif de résistance au changement, qui a tout le temps de faire des dégâts avec les lenteurs du processus de mise en œuvre. Selon toi, y-a-t-il des choses que les responsables et acteurs du changement doivent faire différemment pour amener le bateau à bon port ? Si oui lesquelles ?

S: Nous avons besoin de premiers éléments de réussite pour donner l’impulsion : la mise en place réelle de 20 à 30% de sites mixtes fonctionnant vraiment par région serait un signe encourageant donné au réseau. A partir de là les directions pourraient commencer à communiquer à leurs troupes de façon positive et avancer. C’est la stratégie adoptée en ce moment : la mise en place de sites mixtes coûte que coûte ; le premier but est un affichage politique, mais le bénéfice serait réel en matière de gestion du changement : prouver que cela peut marcher. Le risque d’échec est toutefois réel, avec des portefeuilles de conseillers à plus de 200 Demandeurs d’emploi, ce que personne ne peut gérer. Hormis l’assouplissement du suivi mensuel personnalisé annoncé par Christian CHARPY, la condition du succès est de remettre à plat en même temps toutes les organisations par région afin de faciliter le processus : ce point ne peut s’envisager que dans le cadre d’un passage en force puisque les organisations syndicales sont freinantes sur tout.

La première difficulté est d’identifier un groupe moteur de personnes qui ont envie d’avancer et sont moteurs pour le changement. Cette identification est en route actuellement. La seconde difficulté est de ne pas perdre en route la masse des indécis (forte communication syndicale) or pour l’instant on constate une forte communication et un début d’appui concret aux managers, mais pas de communication forte vers l’ensemble du personnel, la direction semble continuer à subir la communication et la relation avec les syndicats et ne prends pas le leadership dans la communication, ce qui serait pourtant une base essentielle.

Par ailleurs, rétablir la crédibilité du processus de fusion passera également par le rééquilibrage de l’activité entre la gestion du client demandeur d’emploi qui représente actuellement 90% de l’activité et la gestion du client entreprise, activité réduite à sa plus simple expression. Or, quel est le premier service à rendre par un conseiller lorsqu’il reçoit un demandeur d’emploi ? Lui proposer des offres d’emploi puisque, rappelons le, les activités de Pole emploi sont l’indemnisation et le placement…surtout le placement pour diminuer le volume des indemnisations.

Donc résumons-nous :

- une première série de sites mixtes par région fonctionnant réellement

- une reprise en main de la communication par le management au niveau de chaque région

- une mise à plat des organisations par décision unilatérale de la direction Pole emploi suite à l’allègement du suivi mensuel des demandeurs d’emploi afin que l’allègement génère une meilleure efficacité

- un rééquilibrage de l’activité entre la gestion du demandeur d’emploi et la recherche d’offres d’emploi

(aucune notion de chronologie dans cette liste)


CL: espérons que les décideurs prennent connaissance de ces préconisations! Un grand merci à toi Sabine pour avoir pris le temps de répondre, si pleinement et pertinemment, à mes questions.

* Pour raisons de confidentialités, Sabine est un nom d'emprunt. Toute coincidence avec une personne réelle serait erronée.

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